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Laicité, République : le combat de tous

Les soldes sont boudées, l'activité de la cité ralentie. La paranoïa gagne malgré le plan Vigipirate et surtout, cette impression dramatique que la société entière est au bord de l'implosion.

Trois semaines depuis les attaques meurtrières dans les locaux de Charlie Hebdo puis dans l'épicerie casher.

Trois semaines écoulées depuis ces actes innommables, depuis ces 17 vies volées pour ce qu'elles faisaient ou pour ce qu'elles représentaient.

Trois semaines et, la gueule de bois, toujours.

Dès le 07 janvier, des manifestations, des recueillements républicains. Avec bien entendu la marche historique du 11 janvier 2015 en point d'orgue. Dans toute la France, des millions de citoyens dans la rue pour leur montrer, à ces lâches, à ces assassins illuminés, ces ennemis de la République, du vivre-ensemble, de la liberté d'être et de penser, de rire des dieux et de leurs prophètes, de croire ou non, pour leur montrer que nous ne sommes pas un peuple amorphe, que leurs certitudes folles et haineuses ne nous impressionnent pas, que nous avons une longue histoire et qu'ils ne nous mettront jamais à genoux.

Pour leur montrer, à ces chiens enragés sans collier, ce qu'est la vraie France : fière, digne; rassemblée spontanément sans distinction de couleurs, de croyances, d'origines, de bords politiques lorsque les circonstances l'exigent; impitoyable dans sa colère froide lorsqu'on l'insulte.

Unie, lorsque les principes qui la fondent sont attaqués.

Sur les réseaux sociaux, une vague de hashtags et de profils " Je suis Charlie ", sigle devenu véritable symbole républicain.

La sortie courageuse d'un nouveau numéro de 'Charlie Hebdo', celui des rescapés, avec une Une représentant Mahomet pleurant, portant un écriteau 'tout est pardonné'.

De nouveau, de par le monde, des réactions violentes, meurtrières, pour... un dessin.

Des revendications de moyen-âgeux tueurs évoquant les 'croisés' et les 'bastions Chrétiens'. Et certains de s'interroger sur la responsabilité des artistes car, n'est-ce pas, avec la mondialisation, le net... En réponse, 7 millions d'exemplaires écoulés. Même ceux qui ne l'avaient jamais lu, jamais ouvert, d'accord ou non avec sa philosophie sarcastique et irrespectueuse (pas envers les croyants mais, envers les instances religieuses), l'ont acheté - ou essayé - afin de montrer aux fanatiques ou aux foules lobotomisées, emplies de certitudes apprises par chœur sans aucun esprit critique que, bon Dieu, au pays de Voltaire on jouit toujours de notre liberté chèrement acquise de rire des dogmes établis par les hommes qui se sentent tout puissants, qui se disent infaillibles ou habités !

Et après ?, se demande tout le monde.

Après avoir manifesté, pour beaucoup de citoyens viscéralement attachés à la République laïque, après avoir acheté le journal pour certains : et après ?

Après le choc de réaliser concrètement que des enfants nés en France, qui y ont grandi, y sont allés à l'école, y ont vécu depuis toujours peuvent devenir des adultes illuminés se définissant au final par rapport à une religion (par rapport à une lecture complètement erronée d'une religion s'entend, je le précise ici bien qu'évident spontanément à mes yeux) plutôt qu'à notre nation commune.

Et là, je l'avoue, après la stupéfaction et l'apparente union nationale (car, non : tout le monde n'est pas descendu dans la rue, tout le monde ne s'est pas senti 'Charlie', beaucoup ont dit 'oui, mais...') un énervement intérieur monte en moi.

Un énervement qui vient, pour le coup, de mon parcours personnel.

J'écris à gauche à droite régulièrement billets et nouvelles traitant de ce que je sens désespérément monter, de ce que je vois lamentablement progresser depuis des années : le vivre-ensemble qui fout le camp.

La République qui s'affaiblit, qui laisse toujours et encore plus de terrain au communautarisme.

Nos services publics qui s'effondrent, particulièrement en banlieue.

L'antisémitisme, l'homophobie qui s'expriment de plus en plus librement.

La tolérance quotidienne qui s'amenuise, la cité qui devient invivable, l'impression désespérante qu'un modèle de vie commune disparaît, que notre sensibilité même s'étiole.

Je n'évoquerai pas ici l'aspect politique car, ma foi, hélas, ils nous jouent encore, nos grands hommes, la mélodie de la stupeur ("Ah bon ? Des problèmes en banlieue ? 'Apartheid' est-il un mot trop fort ou pas ? Tiens, la misère et le rejet social peut mener au repli communautaire et au refuge dans le religieux fanatique ? Tiens ? Débattons-en ! " Etc, etc...) alors que la situation de déliquescence sociétale est largement due à leur inefficacité ou/et lâcheté (au choix), tous bords confondus, et ce depuis des décennies.

Mon énervement vient de ma crainte de voir ces foules qui sont capables de se réunir une fois par décennie et qui, satisfaites de leur 'courage', s'en retourner à leur léthargie quotidienne.

C'était quand la dernière fois ?

Ah oui : second tour de la présidentielle 2002, Chirac-Le Pen père !

'Non à l'Extreme-Droite, vive la République !' scandaient dans les rues beaucoup de ceux qui... n'étaient pas allés voter au premier tour.

Ensuite ?

Rien.

Ou si peu, au quotidien. La preuve ? Le FN 'dédiabolisé' fait la course dans les sondages. Le mal-vivre ensemble et l'intolérance sont plus forts que jamais.

Oublions un instant les ennemis extérieurs (à nos gouvernants d'assurer notre protection) et concentrons-nous sur notre société française.

Soupirer devant un écran de télévision en écoutant les inepties de Naceri ou Deutsch ne suffit guère, tout occupés que nous sommes avec nos vies professionnelles, familiales, etc, prenantes.

Le temps est venu, pour tous les français qui se sentent républicains, de s'interroger, d'échanger, d'apprendre, de réviser, chacun individuellement, pour pouvoir participer vraiment et peser sur le cours des choses.

À tous de s'informer sur la laïcité en France, sur l'histoire des religions qui composent notre pays aujourd'hui (la France de grand-papa ne sera plus jamais, à chacun de s'adapter intelligemment), sur l'évolution indispensable des plus jeunes d'entre elles, sur la naissance des banlieues, sur le colonialisme passé et ses conséquences contemporaines, sur les dangers d'un Patriot Act à la française, sur les guerres menées à l'extérieur.

Du boulot ? Oui, du boulot !

Mais, chacun à notre niveau, avec nos capacités individuelles, c'est bien le seul moyen de, peut-être, changer notre approche des autres au quotidien;

d'empêcher la prolifération des théories complotistes imbéciles;

d'influencer nos politiques si friands de sondages, s'ils voient que la situation dans les prisons nous préoccupe, que nous sommes outrés par la discrimination envers ceux qui sont du mauvais côté du périph, que le sentiment d'appartenance nationale ressenti par tous est dans nos préoccupations centrales, que les religions, dans notre pacte commun, elles doivent rester à la maison et sont toutes secondaires face aux valeurs républicaines, etc...

De sauver, pour ceux qui le veulent encore, notre République laïque.

D'empêcher que des policiers doivent ici être déployés par sécurité, face aux amalgames des incultes (car : tout est là ! TOUT EST LÀ !) devant des synagogues, des mosquées, quoi encore ?

Car le Savoir et l'Education ont toujours été et demeureront ses meilleures armes, à la République.

'Pays des Lumières' : un titre qui se mérite et, définitivement, ne se gagne pas sans efforts particuliers.

À nous tous d'en prendre notre part et, au quotidien, de tendre la main, de rattraper, d'expliquer.

De lutter contre nos peurs et incompréhensions. De refaire le lien. De retrouver notre liant.

Notre liant vital, dans ce monde désormais plus dangereux que jamais.

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