Charlie Hebdo, la vigie
Il est des dates qui restent pour toujours gravées en nous. Des événements dont chacun se souvient parfaitement, des années plus tard, ce qu'il faisait lorsqu'il en a été informé.
Le 07 janvier 2015, nous retiendrons tous ce jour; nous garderons pour toujours en mémoire l'air hébété, incrédule, qui nous a saisi à l'instant x lorsque, via la télévision, via un texto, un coup de fil nous avons appris la nouvelle : Charlie Hebdo, ils ont osé.
Ils ont osé, les barbares terroristes, les fous d'Allah, s'en prendre à nos clowns talentueux, à nos garnements irrespectueux. Salissant le nom de leur dieu, celui de leur prophète - qu'ils osent prononcer, insanes jusqu'au bout, comme pour mieux fragiliser voire entraîner dans leur chute toute une communauté - ils ont brisé 12 vies innocentes, blessé une dizaine d'autres, ravagé des familles entières.
Trahissant le pays qui les a vus naître (comment dire 'le leur' ? C'est impossible à dire, désormais), lui préférant un monstre moyen-âgeux toujours plus avide de pleurs et de morts, ils ont traumatisé des millions de citoyens.
Abattant de sang-froid sous l'œil d'une caméra un homme à terre qui les a implorés, policier, musulman, ils ont quitté l'humanité sous nos yeux, pour devenir des bêtes féroces, haineuses, irrécupérables.
En pénétrant dans les locaux de Charlie, en appuyant sur la gâchette, ils ont tiré sur la presse, sur la liberté, sur nos valeurs, sur notre vivre-ensemble.
En flinguant Wolinski, Charb, Cabu, Honoré, Tignous, reconnaissables chacun depuis des décennies simplement à leur trait, leur humour potache et corrosif, ils ont touché à nos souvenirs intimes, nos sourires d'adolescents, d'enfants.
En souillant de rouge le sol de l'hebdomadaire, ils ont blessé la République " indivisible, laïque, démocratique et sociale " (1er article de la Constitution).
Car Charlie, c'est tout cela.
C'est le droit de se moquer des sachants péremptoires, des politiques déficients, des extrémistes de tout poil et, bien sûr : de toutes les religions. De t.o.u.t.e.s.
Charlie, c'est la laïcité, c'est la démocratie.
Et c'est pour cela que des foules révoltées et dignes se rassemblent et se recueillent. Pour leur montrer, à ces ennemis du rire, de la réflexion, à ces lobotomisés crasseux, que nous ne sommes pas un peuple amorphe.
Que nous avons une longue histoire de la satire, de la démocratie, et que nous ne les abandonnerons jamais, elles, et que l'on se fout de leurs certitudes délirantes à eux.
Qu'ils ne nous effraient pas et paieront cher d'avoir attaqué notre République, notre laïcité, notre droit de rire et de réfléchir.
'Je suis Charlie', crions-nous tous sur les réseaux.
Marchons, fiers, dans nos villes. L'heure est au recueillement.
Mais, après, de suite, nous devrons poser sur la table les problèmes que ces malades ont fait resurgir (l'intégration, le retour en force du religieux, l'effort indispensable de modernisation des musulmans français, le vivre-ensemble qui disparaît etc...)
Les poser sur la table, vite, avant que les extrêmes ne s'en saisissent.
Et pour cela, dès mercredi prochain, nul doute que l'on pourra encore compter sur Charlie, sur ses dessinateurs, ses journalistes - nos vigies increvables - avec leurs dessins enragés, hilarants; protecteurs !
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