Revolvings, surendettements : si la Gauche gouvernait...
Le ton méprisant, cassant de la personne à l'autre bout du fil font fleurir dans mon imaginaire mille et une insultes originales et guère re-transcriptibles ici. Je les garde inutilisées, conscient que ma conversation avec cette professionnelle zélée de la menace administrative est enregistrée. Son intonation change brutalement lorsque je lui apprends que je ne suis pas le souscripteur qu'elle est chargée de terroriser. Un ami proche, d'origine étrangère, qui travaille dur pour nourrir sa famille en faisant le boulot que beaucoup de 'Gaulois' refusent de faire et qui panique au téléphone, perd ses moyens, m'a appelé à la rescousse. J'essaie ici de le sortir du bourbier dans lequel, comme tant d'habitants de ce pays, il s'est mis : les prêts revolvings, ces poisons tabous encore plus malsains lorsqu'ils sont dissimulés (la FNAC et son partenariat avec Sofinco, Carrefour qui 'positive', etc...) et qui ne cessent de faire augmenter le nombre de dossiers de surendettement en France. Mon interlocutrice, la surprise passée, redevient plus urbaine. Est-ce mon nom, sonnant plus tricolore ("ah, un bon breton..."), qui l'influence ? Interprétation subjective, je l'admets mais, l'ambiance du moment, n'est-ce pas... Toujours est-il que, de mon côté, je n'ai pas oublié que l'on vient de me traiter comme un étron depuis plusieurs minutes, me faisant réaliser ce que mon ami vit au quotidien dans la France de 2014 (honte !) et me ferait aussi, si j'étais à sa place, avoir envie de ne pas comprendre tout ce qu'on me dit. Chargée de récupérer l'argent emprunté via une 'simple' carte de fidélité dans une grande surface censée nous vendre - à la base - légumes, pq et autres boîtes de conserve mais, profitant de la tournure ultra-libérale permise par une Europe uniquement financière, s'est engouffrée dans la brèche des crédits bancaires à taux exorbitants, abandonnant son rôle de marchand de soupe pour se la jouer haute finance sur le dos des plus pauvres, la Cerbère ne lâche rien. Même pas sa mauvaise foi. Après de péremptoires affirmations d' "injonctions du tribunal", de "saisie du salaire à la source", de "saisie des biens" (où est le papier officiel ? Aucun courrier judiciaire n'est parvenu à mon ami), elle parle de "transmission du dossier au tribunal" (tiens, changement de pied...) Pour information, les sociétés privées de recouvrement, mandatées par les prêteurs, n'ont aucun pouvoir légal sinon celui d'aboyer ! De petites sommes (pour ceux qui ne peuvent plus faire face aux remboursements majorés, emportés dans le tourbillon de la vie actuelle), envoyées régulièrement, bloquent l'avancement du dossier sur la route du tribunal et les menaces, légales celles-ci, des huissiers mandatés. Lorsque je lui fais remarquer que ses commerciaux (je me suis abstenu d'employer le terme 'rabatteurs') n'ont eu guère de scrupules à faire signer un contrat prévoyant des taux de 20% d'intérêt à une personne n'arrivant plus, malgré son travail en cdi, à faire face à la vie quotidienne, à un individu ne lisant même pas français, elle m'envoie paître : - " Pour demander de l'argent, là, il parlait français ! " Tant de fine psychologie sociologique et d'humanité spontanée me laissent sans voix. Nous tombons d'accord sur un délai de trois mois. Le temps pour moi, songe-je alors, de monter un dossier protecteur à la banque de France. La dette sera remboursée mais, étalée de manière raisonnable dans le temps (l'évidence, non ?) Ces satanées banques nous ont menés voici peu au bord du gouffre, jonglant avec des milliards virtuels, et il faudrait paniquer, détruire des vies, des familles, pour quelques milliers d'euros de dette obtenus avec des manières qui frôlent - je suis poli - l'escroquerie, avec pour seuls interlocuteurs téléphoniques des roquets lobotomisés par l'ultra-libéralisme ? " Il faut rembourser une dette ! " Bien sûr mais, pas à n'importe quel prix, pas n'importe comment lorsqu'elle touche les plus fragiles ! Comment s'est finie cette histoire ? La dame n'a pas tenu parole, le dossier a été fissa envoyé au tribunal, nous coupant l'herbe sous le pied. Mon ami, gagnant 1500€, doit rembourser à l'huissier mandaté (la protection est limitée lorsqu'il s'agit de prêts à la consommation. Des brèches + des brèches + des brèches = la belle société de paupérisation actuelle) 1000€ pendant 3 mois. Le reste, c'est le loyer. La bouffe, je subviens à leurs besoins et autres pendant 3 mois. Quoi ? Quoi si je n'étais pas là ? La rue ! La rue, évidemment. Ne sont-ils pas de plus en plus nombreux, ceux-là ? Suffit d'ouvrir les yeux dans le métro, pas besoin d'un doctorat d'économie. Alors, ma rage s'amplifie lorsque je songe que nous avons un gouvernement 'socialiste'. Qu'un Benoit Hamon prétendait s'attaquer à ce fléau avant d'abandonner ceux qui y croyaient et espéraient pour partir voguer avec de pseudos 'frondeurs' vers d'autres rivages politicards. Qu'un président faisait sa campagne sur le mode " la finance est mon ennemie " avant de se soumettre, lamentable, sans excuse, une fois l'élection gagnée. Qu'un Emmanuel Macron, nouvelle idole de la 'gauche', ne trouve rien de mieux que de gratouiller légèrement quelques professions rentières représentant 0,01% histoire de se donner publiquement un visage socialiste et évoquer Jaaaaaurès dans les discours et, surtout, pousser dans le même temps la caissière, celle qui pourrait être la femme de mon ami, celle qui en a sans doute plusieurs, des revolvings, à bosser le dimanche (oui, sur la base du volontariat, c'est vrai ! Mais, dans sa situation... comment dire non ?) Scandale ! Scandale d'une gauche aussi déconnectée des problèmes réels, concrets, des gens, ne proposant plus aucun bouclier crédible aux plus faibles, laminant les espoirs de ses électeurs désormais cornus et qui, si elle ne se re-connecte pas rapidement d'ici 2 ans, ne méritera définitivement que les mines de sel électorales qui lui sont promises ! Ils parlent et re-parlent 'croissance' ? Mais, comment la relancer avec un peuple sur-endetté ? Mais, ça, ils ne voient même plus, ils ne voient même pas la dégradation du service public minimum empêtrés dans le comptable, loin des hommes et des femmes qui sont les vraies 'Forces Vives' si on les laisse respirer, leur donne une chance, Français de 'souche', Français nouveaux, Français futurs, dans leur dialectique toute écrite d'avance par d'autres à qui ils ont vendu le bien-vivre minimum des habitants au nom de dogmes fous. France, 2014. Honte. Gauche 2014, honte. PS 2014, honte ! Même la gauche est devenue l'esclave de l'ultra-libéralisme caché. Et, elle ne fait même plus semblant de lutter. Et, elle a sincèrement oublié qu'il y a des vies et des familles derrière ses décisions ou, plutôt : ses non-décisions. Ses lâches, ses pleutres renoncements.
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