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Ian Thorpe & la tentation du grand plongeon

Quintuple médaillé d'or olympique, 11 fois sacré champion du monde, Ian Thorpe, 32 ans, fut considéré, durant sa décennie magique dans les bassins internationaux (1996-2006), comme le ou l'un des meilleurs nageurs de sa génération (avec Michael Phelps).

Sa soif de victoire, son esprit de compétition hors du commun, sa volonté de fer, ses mains, ses pieds interminables : tout, chez lui, dégageait force, vigueur et santé. Le jeune athlète Australien, véritable Hercule en combinaison noire d'1m95, semblait invincible.

Après avoir donné le meilleur de lui-même, malgré les vaticinations habituelles des éternels pessimistes, sur le dur tournant de la retraite pour les sportifs de haut niveau, personne ne s'inquiétait sérieusement pour son avenir.

La reconnaissance mondiale, de l'argent à foison via ses multiples sponsors et les contrats publicitaires inhérents, une image sympathique auprès du public : la 'Thorpille' pouvait enfin souffler; pouvait enfin ralentir sa course.

Qu'est-ce qui pousse vraiment les grands athlètes à se surpasser, si ce n'est un besoin intime, puissant, de se rassurer ? Objectif atteint, Ian, se disait-on : bonne continuation ! Il pourrait se focaliser sur sa vie privée.

Sauf que...

Sauf que ce que le monde ignorait était la taille de ses fêlures secrètes, sa difficulté à vivre, une fois la porte du vestiaire refermée.

Les oracles avaient donc eu raison : Thorpe, soudain, se mis à couler. Drogue, alcool, dépression. Il tenta bien un retour aux JO de 2012 : le fiasco fut au rendez-vous. Sa bonne étoile semblant désormais morte, le destin s'acharna alors : une quelconque opération de l'épaule gauche manqua, l'année suivante, via une sérieuse infection, de le mener à l'amputation.

Dans son autobiographie " This is me ", en 2012, le nageur révélait déjà sa mélancolie incurable. Ses périodes dépressives de plus en plus longues et régulières. Il ne cachait pas non plus ses multiples tentatives de suicide. Le masque tombait. Le géant était fragile.

Achille et son talon, histoire éternelle : toujours ce satané talon...

Dimanche soir, Ian Thorpe, comme pour achever de jeter à terre le masque de fer qui paraît l'étouffer, révèle à la télévision australienne ce qu'il s'était, malgré les rumeurs récurrentes, toujours évertué à nier : son homosexualité.

- " So, what ? ", a-t-on envie de dire.

Sauf que ce besoin apparent de crier publiquement sa nature, ce qu'il est, ce qui est personnel et intime, ce qui n'a pas - ne devrait pas, plutôt - à être présenté comme un scoop, un événement, révèle, au-delà de son cas personnel, la difficulté d'être gay même dans nos sociétés occidentales soit-disant tolérantes (dernièrement, chez nous, ici, en République laïque, certaines foules bruyantes, soutenues par toutes les églises, ont abruptement rappelé aux naïfs (aux optimistes ?) cette réalité).

L'Australie, hormis Sydney, n'est pas réputée particulièrement gay-friendly. Plus ou moins que la France, je l'ignore.

Toujours est-il que le sportif, dans son livre-confession, écrivait, voici 2 ans donc, " être accusé d'être homo ". " Mot révélateur de sa mentalité, sa confusion d'alors. " Faute ". " Pêché ". " Culpabilité ". " Naturel. " " Normal. " " Anormal. " " Avouer " : Vade rétro, Satanas ! Avait-il alors pris une Mme Boutin à la sauce locale comme conseillère ? Mystère...

Je ne souris ici qu'à moitié car, s'il a visiblement évolué sur la question, compris qu'il devait s'accepter s'il voulait... vivre, tout simplement, et non prétendre, il est un fait à rappeler ici : les jeunes gays ont 13 fois plus de risques de tenter de se supprimer que les autres du même âge. 13 fois plus !

Non à cause de leur sexualité mais, à cause des humiliations, des attaques verbales et/ou physiques, des tentatives de rabaissement, de rejet, de la famille qui se détourne ou, pire, joue aux trois petits singes, bref : à cause de l'homophobie quotidienne, de la haine qu'éprouvent certains, cette haine qui, à force, finit par convaincre les plus fragiles; qui, répétée, les mène à eux aussi se haïr.

La suite est logique : des comportements à risques, le repli sur soi, la perdition, en somme : la prise pure et simple du chemin de l'auto-destruction.

J'ignore la suite de son aventure, au géant australien. En tout cas, passé ce qui reste une épreuve publique, sans doute nécessaire dans son cas, dans sa maturation mentale, je ne lui conseille qu'une chose : laisser les idiots à leur médiocrité intellectuelle.

Et bon vent !

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